Les Jardins de l’horreur
Cartoucherie – Théâtre du Chaudron (Paris)

A l’affiche du 24 au 30 mars 2008

A la santé du dogue Robert

Comédie noire nourrie de querelles de voisinage tournant au vinaigre, Les Jardins de l’horreur de l’Allemand Daniel Call est aussi une relecture symbolique et irrévérencieuse de la réunification allemande. Sigi et Sonni, couple de citadins bien conscients de leur supériorité culturelle, viennent s’installer au vert à proximité du frère de Sigi, Friedo, affublé lui-même d’une femme vaguement émancipée par l’université populaire et d’une marmaille ingérable. Le carambolage des stéréotypes sociaux (insupportables bobos contre prolos envahissants) y côtoie la finesse satirique, le grotesque et le trash. Les litiges chers à Julien Courbet sont ici revus par Pierre Bourdieu et corrigés par l’humour d’Hara-Kiri : dans le maniement de ce cocktail assez explosif, le talent des quatre comédiens, soutenu par la mise en scène efficace de Myrto Reiss, fait mouche.

Un espace intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur de la maison de Sigi et Sonni, marqué par de grands bouquets suspendus et un sofa aux motifs floraux, sera l’arène des débats et des combats. Sonni, au maintien impeccable de bourgeoise cultivée, arrose les fleurs, sert les cocktails, distribue sourires en public et critiques acerbes en privé. Elle attend de Sigi, son scientifique de mari, handicapé affectif et monomaniaque de la précision verbale, qu’il établisse les limites dans lesquelles elle pourra continuer à respirer le bon air de l’indépendance. Mais voilà, Sigi est dépassé et veule et sa famille bien trop présente, insistante même à prodiguer ses conseils de décoration et à envahir son intérieur de rideaux rafistolés et de canevas à motif berger allemand. De petits heurts en gros accrocs, la façade aimable de Sonni se craquelle et la violence prend progressivement le pas sur la civilité.

Le heurt des différences, combinant rivalités fraternelles, préjugés de classe et incapacités réciproques de prendre l’autre pour ce qu’il est, prend bientôt une ampleur tragi-comique insoupçonnable. En choisissant de soigner également la direction d’acteurs (dans le crescendo des scènes d’affrontement) et les transitions sonores entre les scènes (extraits musicaux et bruitages précisant une atmosphère, délivrant – parfois sur un mode grotesque – les informations utiles), le travail de Myrto Reiss parvient à restituer toute sa clarté horrifique au déploiement de la violence, jusqu’à un final à la fois surprenant et nécessaire.

David Larre